Moi qui rêvais d'être entourée de gens
qui sachent apprécier ce que je fais et ma façon d'être,
je m'éclipse face à la méchanceté régnante!

Mes pensées, trop sincères, restent enfermées dans leur cage
et je feins d'acquiescer humblement
aux injonctions de la bêtise collective.

N'ayant pas pu vivre l'événement
j'ai écouté attentivement ton récit,
prenant soin de l'envelopper
dans les couches profondes de ma mémoire.

Mais par ta soif de protagonisme
tu ne m'as pas rendu la pareille.
Les événements que j'ai traversés
sans toi, tu les as balayés.

Oh soeur indigne continueras-tu
longtemps a vouloir monopoliser
la parole et le droit de mettre en récit
ce que toi seule rends significatif?

On ne peut pas progresser quand on fréquente
des gens qui ne tiennent pas compte
de ce que vous avez déjà accompli
comme parcours d’idées.

Encore moins si parmi eux certains pensent
que vous êtes à ce point extraordinaire
et unique qu’il serait dommage
de trop vous encadrer.

Des parts mortes de moi se vivifient.
Je me rends compte que je n'ai pas
utilisé le mot amour depuis l'époque
où je pensais que je t'aimais.

Mais ce n'est déjà plus de l'amour.
Ce sont des perles de rosée tombées
 des pétales que j'observe
avec un détachement quelque peu halluciné.

C'est une confrontation de mon regard à l'absolu,
dans un mouvement d'éternel retour,
que j'avais appelé amour,
quand tout portait à tricher.

Quand on n'est pas au spectacle
et qu'on se trouve mêlé à l'injustice,
il ne reste qu'à reculer
si on ne veut pas être entièrement happé.

Reculer pour garder sa raison intacte
et réussir par le bon sens et la logique
à démêler les apparences
d'une réalité faussée, déjà mutilée.

Revenir au point d'équilibre,
là où la balance n'avait pas encore penché
du côté de l'arrogance pour les uns,
du désespoir pour les autres.

Dans l’amour aussi certains événements
nous touchent plus particulièrement
du fait qu’ils sont irréversibles,
pas seulement dans le chagrin.

Quand l’amour se mêle au regret
d’un passé où des âmes de corps
encore séparés ne savaient encore rien
de ce qui serait révélé à leur contact.

L’éloignement ne peut plus être
envisagé que comme une fuite
et jamais ne sera retrouvée la magie
de l’époque sauvage aux regards sans alibi

Le narcissisme tranquille d’un travailleur
parfaitement compétent m’a renseignée
sur les questions embarrassantes concernant l’identité.

Il m’en a fallu analyser ses rondeurs, encore et encore,
jusqu’à tenter d’adopter moi-même
ses gestes amples pour tester directement.

Pouvait-on fabriquer l’assurance d’un leader serein
ou n’y avait-il aucun moyen de décrire par des mots
les composantes de la recette?

Désormais obsédée par des choses
pour lesquelles il est devenu impossible
de trouver une image matérialisée,
je constate mon vieillissement.

Pour être jeune, il faut avoir eu
en toute situation de la vie
un moyen de graver la scène sur un appareil,
s’il y avait de quoi s’extasier.

Douce sensation de confort quand
des boues résiduelles, après avoir été soulevées
par une vague d’indignation interne,
ont pu être évacuées.

J’expérimente ainsi presque malgré moi
les bienfaits d’un processus émétique
que je n’avais pas su mettre en cours
en restant pacifique.

Ce qui m’empêchait de respirer
n’était pourtant aucun conflit actuel,
mais les miasmes incorporés
d’une lutte ancienne aux rumeurs de capitulation.